En quête d’une meilleure qualité de vie, les Français rejettent la densité des grandes métropoles
En quête d’une meilleure qualité de vie, les Français rejettent la densité des grandes métropoles
Les notaires observent une forte hausse des prix immobiliers, excepté à Paris. Les villes de l’ouest du pays et du littoral sont particulièrement prisées par les acheteurs.
« La qualité de vie et l’accès à un espace extérieur sont désormais des critères prioritaires dans l’achat d’un logement, surtout pour les Franciliens qui partent à la recherche de villes moins denses. Ce que nous avions ressenti dès le premier déconfinement, en juin 2020, se confirme », résumait Peggy Montesinos, notaire à Remiremont (Vosges) et chargée de l’expertise immobilière au Conseil supérieur du notariat (CSN), à l’occasion de la conférence de presse qu’il a tenue, lundi 13 décembre. En effet, les notaires ne se contentent pas d’acter les transactions et de dresser des statistiques, ils analysent aussi avec soin les évolutions des comportements immobiliers des Français à partir de données bien réelles.
Aussi ont-ils constaté, en l’espace de douze mois, au 30 septembre 2021, un nombre record de transactions : 1,2 million, soit 15 % de plus que durant la même période, un an auparavant, et 14,5 % de plus qu’en 2019, où le million de transactions avait déjà été dépassé, ce qui était considéré comme un sommet.
« Il y a certes un effet de rattrapage de fin de confinement, mais aussi une accélération des projets immobiliers, une anticipation de besoins nouveaux, avec une appétence toujours vive pour la propriété », analyse Frédéric Violeau, notaire à Caen (Calvados), responsable des statistiques immobilières au CSN.
Le cœur des métropoles devient de plus en plus sélectif
Alors que la moyenne des déménagements annuels tourne habituellement autour de 15 % à 16 % du nombre de ménages français, il est de 18 % en 2021. « Les Français sont plus mobiles qu’on ne le pense, notamment les jeunes », confirme M. Violeau. C’est probablement la conséquence d’une autre tendance de fond, qui voit une fraction grandissante des ménages quitter les centres des grandes métropoles pour s’installer dans des villes moyennes où ils font d’ailleurs monter les prix.
Au troisième trimestre 2021, sur un an, les coûts des appartements se sont ainsi appréciés de 7,5 % en province contre 2,5 % seulement en Ile-de-France et 0,6 % à Paris, où ils se situent déjà, il est vrai, à une moyenne de 10 700 euros le mètre carré. La hausse du prix des maisons marque plus encore le désir d’espace, affichant un bond de 9,4 % en province et de 7 % en Ile-de-France.
Les villes de l’ouest du pays et du littoral sont particulièrement prisées par les candidats à une meilleure qualité de vie. Le mètre carré flambe à Rennes : 9,8 % de plus pour les appartements et 13 % pour les maisons, ce qui, dans le classement, en matière de prix, des 18 métropoles observées par les notaires, a fait passer, en dix ans, la capitale bretonne de la 13e à la 7e place.
« Ce sont les classes moyennes et les professions intermédiaires qui dictent le marché », commente Frédéric Violeau, notaire à Caen
Ces hausses ont pour conséquence de désolvabiliser les acquéreurs, qui, en 2021, perdent quatre mètres carrés sur une surface moyenne achetée de 50 mètres carrés (sur la base d’un prêt remboursable en vingt ans, avec une mensualité de 800 euros par mois). Dans le détail, la perte, à Saint-Etienne, atteint 12 mètres carrés en raison d’un bond de 9,8 % des prix dans cette ville jusqu’alors bon marché ; elle est de six mètres carrés à Orléans, où la hausse atteint 10,4 %.
En conséquence, le cœur des métropoles devient de plus en plus sélectif, et les cadres y renforcent leur position. Ils représentent, par exemple, 43 % des acheteurs à Toulouse en 2021 contre 37 % en 2011. La situation est identique à Grenoble (44 % contre 32 %), Nantes (43 % contre 37 %) et surtout Lyon (52 % désormais). « A Caen, les profils des acheteurs changent, commente Frédéric Violeau. Ce sont les classes moyennes et les professions intermédiaires qui dictent le marché. Elles sont présentes dans 34 % des transactions contre 29 % il y a dix ans. »
Disposer d’un logement plus grand
En complément de la vision des notaires, centrée sur les grandes villes, le site SeLoger note, dans une étude publiée le 13 décembre, des hausses spectaculaires de prix dans de bien plus petites villes, comme Saint-Valery-sur-Somme (Somme, + 47 % depuis 2018), Saint-Malo (Ille-et-Vilaine, + 39 %), Vannes (Morbihan, + 34 %) ou Biarritz (Pyrénées-Atlantiques, + 35 %).
Les notaires cherchent aussi à savoir d’où viennent les acheteurs. Il apparaît que ceux-ci déménagent encore majoritairement dans leur commune (66 %), mais la part de ceux qui en changent pour aller vivre dans une zone moins dense est de quatre points supérieure à ce qu’elle était il y a un an ; 31 % des acquéreurs originaires de Paris quittent la capitale, alors qu’ils n’étaient que 23 % en 2019. Les Franciliens sont toujours plus nombreux à se payer des maisons dans les départements limitrophes de l’Ile-de-France : ils représentent 35 % des acheteurs en Eure-et-Loir (+ 7 points par rapport à 2020) ; 27 % dans l’Eure (+ 7 points) ; 24 % dans l’Yonne (+ 4 points) ; 17 % dans le Loiret (+ 4 points)…
A la demande des notaires, les motivations des acheteurs ont également été sondées par Harris Interactive (consultation en ligne effectuée entre le 13 et le 17 septembre, auprès de 1 637 personnes). La première d’entre elles est de disposer d’un logement plus grand (41 % des réponses), suivi de près par celle de devenir propriétaire (39 %) : « On prétend que les jeunes ne sont pas attachés à la propriété, mais nous constatons le contraire, commente Me Violeau. C’est la volonté de 72 % des 18-35 ans. » Pour concrétiser ce projet, 79 % des personnes interrogées se déclarent prêtes à épargner des sommes de plus en plus importantes, de plus de 500 euros par mois pour 57 % d’entre elles (+ 9 points par rapport à 2019). Le fait d’être locataire est, en revanche, vécu comme une situation subie par 57 % des locataires sondés, soit cinq points de plus qu’en 2019.
LE MONDE - Isabelle Rey-Lefebvre - Publié le 14 Décembre 2021
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