Le lent déblocage des verrous du crédit immobilier
C’est une bonne nouvelle pour un marché qui en a bien besoin : le taux d’usure, le taux plafond des crédits immobiliers fixé par la Banque de France, a été porté, vendredi 1er décembre à 6,11 % (assurance et frais de dossier inclus) pour les prêts à vingt ans et plus. A ce niveau, le plus élevé depuis 2010, « le taux d’usure n’est plus un obstacle », s’accordent à dire banquiers et courtiers.
Mais alors, qui freine le crédit immobilier en France : les banques, leurs autorités de tutelle… ou simplement la faiblesse de la demande en attendant la baisse des prix ? La question est de nouveau en débat avant la réunion du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), lundi 4 décembre, lors de laquelle seront réexaminés les critères encadrant les prêts aux particuliers.
Car le marché du crédit immobilier reste en berne : en septembre (dernier mois pour lequel ces chiffres sont disponibles), les nouveaux prêts à l’habitat sont tombés à 9,2 milliards d’euros, un chiffre en baisse de 44 % sur un an et le plus faible depuis janvier 2016.
Une augmentation des refus
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a surpris en évoquant, le 17 novembre, la « suspicion » que « les banques ne prêteraient plus » et « le sentiment diffus » d’une montée des refus de prêts, tout en reconnaissant que ceux-ci ne sont pas mesurés avec précision. A l’appui de ses propos, l’enquête trimestrielle de la Banque centrale européenne sur le crédit bancaire, qui montre qu’une banque française sur cinq a signalé une augmentation des refus au troisième trimestre, deux fois plus que dans l’enquête précédente.
Aucune des grandes banques françaises n’a critiqué ouvertement ces propos et leur fédération assure que « les conseillers bancaires sont toujours à l’écoute de leurs clients pour trouver des solutions ».
Du côté des courtiers en crédit, dont l’activité devrait chuter de 30 % à 50 % sur l’ensemble de l’année, ce débat est dépassé. « Le gouverneur de la Banque de France est en décalage avec l’évolution du marché depuis plusieurs mois, juge ainsi Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer. Il y a aujourd’hui beaucoup moins de refus de prêts qu’en début d’année : certaines banques reviennent sur le marché, plusieurs ont commencé à baisser leurs taux. »
Plusieurs enseignes bancaires s’efforcent en effet de rassurer sur la disponibilité du crédit. Début novembre, en présentant les résultats trimestriels du Crédit agricole, Philippe Brassac, son directeur général, évoquait ainsi une volonté de « corriger le tir » après des mois de baisse de la production de crédit.
« Des coups de pouce »
Chez BPCE, autre grand acteur du marché, Hélène Madar, directrice de la banque de proximité, assure que « pour les clients qui poussent la porte d’une agence, on peut trouver les moyens de faire aboutir un projet lorsqu’il est possible ».
BPCE a ainsi lancé des offres complémentaires au prêt à taux zéro (PTZ), élargi et prolongé fin octobre par le gouvernement : les moins de 35 ans peuvent par exemple emprunter 20 000 euros supplémentaires à 0 % d’intérêt, ou démarrer le remboursement avec des échéances plus faibles. « Cela répond à un vrai besoin, et ce sont des coups de pouce qui permettent de devenir propriétaire », estime Hélène Madar.
Mais certains banquiers et courtiers critiquent encore la persistance des contraintes imposées par le HCSF, qui plafonnent à vingt-cinq ans la durée des emprunts immobiliers et à 35 % le « taux d’effort », la part des revenus de l’emprunteur consacrée à leur remboursement, afin de prévenir le surendettement des ménages. Un assouplissement permettrait, plaident-ils, de « resolvabiliser » une partie des emprunteurs, dont la capacité d’emprunt a souffert de la remontée du coût du crédit.
« Les emprunteurs dépassent beaucoup plus qu’avant les 35 % de taux d’endettement, et l’augmentation de l’apport personnel ou le recours à l’épargne de précaution ne suffit plus à compenser », explique Ludovic Huzieux, cofondateur d’Artémis Courtage. La part de l’apport personnel dans les plans de financement traités par Artémis est passée de 18,7 % à 23,3 % en deux ans, et elle atteint 27,3 % en Ile-de-France.
Marge de flexibilité
Pour les partisans de l’assouplissement des critères du HCSF, un début de solution consisterait à remplacer celui du taux d’effort par le « reste à vivre », soit le revenu disponible une fois soustrait le coût du logement, et à revenir pour l’investissement locatif à la règle du « différentiel », qui consiste à inclure le revenu tiré du logement mis en location dans la capacité de remboursement de l’emprunteur.
« Des banques nous disent encore : à 35,01 %, on ne finance pas. Pourtant, elles seraient prêtes à regarder des dossiers dans lesquels l’emprunt se traduirait par un taux d’endettement de 50 % mais un reste à vivre très important », assure Côme Robert, président de l’association professionnelle des courtiers CNCEF.
Les partisans de l’assouplissement ne se font cependant guère d’illusion : au vu de leurs récentes discussions avec Bercy et la Banque de France, ils n’attendent au mieux que des « ajustements techniques », qui pourraient concerner la marge de flexibilité accordée aux banques, qui leur permet de déroger aux critères généraux pour 20 % des prêts accordés, et pas plus.
Mais le dispositif, déjà bien qu’assoupli en septembre, est jugé encore très lourd à appliquer côté bancaire. Et un nouvel aménagement serait largement insuffisant aux yeux de certains. « Quand on en arrive à faire évoluer les critères de dérogation à la règle, c’est que la règle n’est pas bonne », regrette Caroline Arnould, présidente de l’Association professionnelle des intermédiaires en crédits et directrice générale de Cafpi.
LE MONDE - Par Marc Angrand - Publié le 3 Décembre 2023
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