Locations meublées : comment seront imposés les loyers touchés en 2024 ?
La fiscalité des loyers perçus par les propriétaires particuliers a pris des allures de feuilleton. Quelle sera-t-elle pour les loyers perçus en 2024 ? « Difficile de le dire pour l’heure », répond Baptiste Bochart, juriste chez Jedeclaremonmeuble.com. C’est pour l’imposition des revenus des locations saisonnières que le flou persiste surtout, et cela risque d’être le cas jusqu’à la fin de l’année.
Pour comprendre, il faut revoir les épisodes précédents. La fiscalité des loyers est complexe. Différentes modalités s’appliquent, selon la nature de la location (le bien est-il meublé ? loué à des touristes ? « classé » ?), le niveau des loyers perçus et les choix fiscaux du contribuable. Un point est toutefois saillant : les propriétaires ont profité jusqu’ici d’une imposition plus douce si le bien était loué à des touristes que s’il logeait des locataires.
Un traitement de faveur largement décrié compte tenu des tensions qui se sont exacerbées sur le marché locatif et des difficultés d’accès au logement. A la rentrée 2023, le gouvernement s’était dit favorable à ce qu’une réforme soit introduite dans le projet de loi de finances pour 2024, durant son examen parlementaire. Au final, le budget adopté fin décembre 2023 par 49.3 comportait bien une réforme, mais… pas celle souhaitée par l’exécutif. Un amendement a été gardé « par erreur » dans la version soumise au 49.3, avait expliqué Bercy.
Jusqu’à 92 % d’abattement
L’amendement a réduit de 50 % à 30 % l’abattement fiscal accordé aux propriétaires de meublés touristiques classiques et fortement baissé le plafond annuel des loyers permettant d’en profiter (s’ils le veulent), de 77 700 euros à 15 000 euros (au-delà, les bailleurs sont imposés « au réel », avec la possibilité de déduire charges et amortissement).
Il ne s’est pas attaqué au traitement plus préférentiel encore des meublés touristiques « classés » (le classement garantit aux vacanciers un certain confort), maintenant leur abattement à 71 % jusqu’à 188 700 euros. Plus curieux, ce taux a même été musclé à 92 % (seuls 8 % des revenus sont imposés) dans les zones « non tendues », à certaines conditions (si le contribuable ne touche pas plus de 15 000 euros de loyer de toutes ses locations meublées).
Les nouveautés devaient s’appliquer à partir de la déclaration de revenus du printemps 2024 pour les loyers perçus en 2023. Afin de limiter les effets de cet imbroglio et d’une « application rétroactive », le gouvernement a, en février, autorisé les contribuables à appliquer les anciennes règles un an de plus, donc pour leurs revenus déclarés en 2024, par un commentaire au Bulletin officiel des finances publiques. Enième rebondissement cet été, le Conseil d’Etat a retoqué le commentaire, mais ceci ne devrait pas affecter les contribuables en ayant profité car il a été publié après la déclaration de revenus, estiment les juristes interrogés.
Reste que les changements adoptés « par erreur » fin 2023 s’appliquent bien pour les loyers perçus en 2024, à déclarer en 2025. En l’état actuel des textes en tout cas, puisque aucune loi n’est venue depuis réformer la réforme.
Petite rétroactivité
Deux textes sont néanmoins à surveiller. D’abord, la proposition de loi (PPL) transpartisane sur les meublés touristiques, surnommée « loi anti-Airbnb » : elle prévoit une nouvelle réforme des abattements. Son parcours parlementaire était presque achevé quand l’Assemblée a été dissoute, début juin ; une commission mixte paritaire avait été convoquée pour régler les différends entre les deux chambres. « Le but est de la remettre à l’agenda rapidement, une nouvelle commission devrait être convoquée », indique un collaborateur de la députée (Renaissance) Annaïg Le Meur, autrice de la PPL, confiant sur son sort. Dans sa dernière version, la PPL prévoyait une entrée en vigueur pour les revenus 2025, mais tout peut encore évoluer.
Quelle fiscalité pour les loyers des locations meublées ?
Sont affichés, pour chaque cas, le taux de l'abattement et le plafond de loyers pour en bénéficier, pour les propriétaires ne déclarant pas « au réel » (par choix ou parce qu’ils dépassent le plafond)
Type de location | Modalités avant la loi de finances 2024 | Après la loi de finances 2024 | Dans la proposition de loi Le Meur (dernière version, non adoptée) |
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Meublés « longue durée » (non touristiques) | 50 %/77 700 € | 50 %/77 700 € | 50 %/77 700 € |
Meublés de tourisme classiques | 50 %/77 700 € | 30 %/15 000 € | 30 %/23 000 € |
Meublés de tourisme classés, zone tendue | 71 %/188 700 € | 71 %/188 700 € | 50 %/77 700 € |
Meublés de tourisme classés hors zone tendue | 71 %/188 700 € | 92 %/15 000 € (sous conditions) | 50 %/77 700 € |
Autre loi attendue avant la fin de l’année, le budget 2025. Il peut, si le nouveau gouvernement ou les élus le souhaitent, modifier la fiscalité des loyers perçus en 2024 – « cette petite rétroactivité est autorisée », rappelle Philippe Lorentz, avocat associé spécialisé en droit fiscal au sein du cabinet August Debouzy. « Lors de l’examen de ce texte, nous comptons, avec un groupe transpartisan de députés mobilisés sur le logement, faire avancer les choses par amendements, sur les points les plus consensuels, pour ne pas perdre de temps », indique d’ores et déjà l’équipe de Mme Le Meur. Tant que le projet de loi du gouvernement n’est pas connu, difficile de dire quelles mesures et date d’application seront proposées, précise-t-elle.
Les amendements s’inspireront probablement du rapport sur la fiscalité localitive rédigé par Mme Le Meur à la demande de la première ministre Elisabeth Borne, rendu public en juillet. S’il dessine plusieurs scénarios, l’idée globale est de supprimer les différences de fiscalité entre les locations meublées et nues (pour les non-professionnels), avec éventuellement des incitations à la location longue durée.
Impossible, donc, pour les propriétaires de simuler aujourd’hui leur impôt sur les loyers perçus cette année. Le cas de figure le plus probable ? « On peut penser que pour les revenus 2024, la fiscalité des meublés non touristiques n’évoluera pas. Pour les biens touristiques non classés, le plus probable est que l’abattement reste à 30 % pour 2024. Mais le seuil de loyers pour en bénéficier pourrait remonter légèrement. C’est ce qu’avait souhaité le Sénat avant l’été, et sa composition n’a pas changé », juge M. Bochart. « Pour les meublés classés, la plus grande incertitude subsiste : vu le niveau de l’abattement, on peut s’attendre à une baisse. »
Ces flottements peuvent perturber les décisions d’investissement. « Les incertitudes doivent inciter à la prudence, pour les investissements comme les désinvestissements, mais le contexte invite les particuliers à s’intéresser plutôt à la location meublée longue durée », note M. Lorentz.
Aurélie Blondel - LE MONDE