Les crédits immobiliers voient leur encadrement un peu assoupli
C’est la fin d’un suspense qui agitait depuis des semaines le marché français du crédit immobilier. Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), organisme chargé de veiller à la stabilité du système financier tout en préservant sa capacité à financer l’économie, a décidé, mardi 13 juin, d’assouplir les critères encadrant l’octroi de crédits par les banques, mais en optant pour un changement à la marge, voire à la marge de la marge.
Rien ne changera pour 80 % des crédits, qui devront continuer de respecter strictement deux conditions : une durée du prêt n’excédant pas vingt-cinq ans et un « taux d’effort » (la part des revenus d’un emprunteur consacrée au remboursement de l’emprunt) plafonné à 35 %. En revanche, 20 % des crédits ne sont pas soumis à cette double contrainte et c’est là que le HCSF a décidé de légèrement lâcher la bride. D’une part, cette marge de flexibilité de 20 % ne sera plus calculée sur un trimestre mais sur neuf mois glissants. Autrement dit, les banques pourront la dépasser temporairement sur un trimestre et « corriger » l’excès sur les deux trimestres suivants.
Ce lissage, explique une source proche du HCSF, doit « permettre de prendre en compte la saisonnalité du crédit », notamment les périodes de pic d’activité du marché immobilier et les délais entre la promesse d’achat et la signature définitive. Par ailleurs, parmi ces 20 %, 16 % étaient réservés aux primo-accédants à la propriété et 4 % aux autres emprunteurs. Cette dernière part passe de 4 % à 6 % du total des prêts. La mesure devrait donc profiter en premier lieu à l’investissement locatif et à l’achat de résidences secondaires.
« Mesures homéopathiques »
Selon les estimations de Bercy, ce double assouplissement, qui sera effectif dans quelques jours, devrait augmenter la capacité d’accès au crédit des particuliers de 250 millions d’euros par mois, soit environ 3 milliards d’euros en année pleine. Pas de quoi contenter les courtiers en crédit, confrontés à une forte baisse de leur activité depuis plusieurs mois et qui réclamaient un soutien plus appuyé.
« Ces mesures homéopathiques ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux », a ainsi réagi Olivier Lendrevie, président de Cafpi, qui réclame entre autres une modification du mode de calcul du taux d’endettement des emprunteurs. L’Union des intermédiaires de crédit, de son côté, a dénoncé « l’obstination et l’aveuglement de la Banque de France ». La banque centrale avait en effet préparé le terrain à des mesures limitées : vendredi 9 juin, son gouverneur, François Villeroy de Galhau, avait écarté toute mesure « qui risque[rait] d’augmenter le surendettement des Français ou le risque de non-remboursement ». Et la veille, la sous-gouverneure Agnès Bénassy-Quéré avait publié une tribune soulignant que « l’évolution du crédit ressemble essentiellement à une normalisation après les exubérantes années de taux d’intérêt très bas ».
Depuis février, les nouveaux crédits à l’habitat accordés aux particuliers (hors renégociations) sont revenus à un peu plus de 12 milliards d’euros par mois, un montant en baisse de près de 40 % sur un an. Mais pour Mme Bénassy-Quéré, ce niveau « semble se stabiliser nettement au-dessus des montants observés durant la décennie 2005-2014 ».
Le ministère de l’économie, à l’occasion de la réunion du mardi 13 juin, a confirmé la prolongation jusqu’à la fin de l’année de la mensualisation du taux d’usure, le taux maximal autorisé du crédit immobilier. Ce passage d’un rythme trimestriel à un rythme mensuel avait été décidé en début d’année, d’abord pour favoriser le crédit face au rythme soutenu de la hausse des taux d’intérêt directeurs. Le taux d’usure est fixé pour l’instant à 4,68 % pour un emprunt sur vingt ans ou plus, contre 3,57 % en début d’année.
LE MONDE - Par Marc Angrand - Publié le 13 Juin 2023
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